Le temps passe et je ne vous ai pas parlé de l’une des manips les plus difficiles et des plus dingues que j’aurai à faire durant mon hivernage.

Il s’agit de partir depuis la base vers le plateau des tourbières 450m d’altitude en passant par la côte ouest.

Ce coté de l’ile est très sauvage puisque peu emprunté, un sentier est autant absent que les scirpes sont touffues dans ce secteur. Les scirpes s’apparentent à des grands joncs très épais, piquants et pouvant être assez hauts et difficilement franchissables. La marche dans cette végétation était donc éprouvante.

Pour démarrer, il a fallu relier le cratère Antonelli, puis parcourir un versant du volcan s’appelant les taureaux sauvages pour atteindre une ancienne clôture vers les 400m en deux heures environs.

A partir de la, l’ « enfer » commence. Un soleil de plomb, des scirpes de partout, avec un sac dans les 24 kg, et un premier objectif en ligne de mire, si proche mais si difficile à atteindre. Il s’agit du mont Fernand, vestige du premier volcan de l’ile. Nous longeons les immenses falaises de la Pearl en passant sur des failles au dessus du vide.

Attention aux cavités, cachées par les fougères, un collègue tomba quelques semaines plus tard dans une de ces cavités, plus de peur que de mal. Les procédures de sécurité en manip ne sont pas superflus du coup.

Arrivés au pied du Fernand, nous commençons les manips rapidement : suivi de l’évolution du chardon sous forme de ligne de 100m, le long de laquelle je recherche la présence de cette espèce exotique envahissante. Le chardon prospérait avec les troupeaux de bovins durant des décennies, un sujet épineux sur Amsterdam. 

Heureusement, nous constatons une forte régression grâce au retour des scirpes locales qui ne se laissent plus marcher dessus par les bovins.

Profitant du beau temps, l’après midi nous montons en haut du Mont Fernand à 568m. Le sommet est totalement plat, une immense tourbière est présente ici. Nous marchons avec des raquettes à neige pour ne pas défoncer les mousses et les sphaignes. Un relais radio en forme de Toblerone permet de relier la base avec la zone d’Entrecasteaux. Ce relais est très important pour sécurité des manipeurs. J’enchaine sur un suivi d’espèces exotiques végétales ou EEV autour du relais. Les sites isolés de l’île ou l’homme s’est installé, sont généralement pourvus d’une bonne quantité d’EEV. Chaque année, l’agent flore liste et détermine l’abondance d’EEV sur ces sites pour suivre l’évolution.

Il est temps de redescendre rapidement, les nuages reviennent sur le plateau et nous ne sommes pas encore installés. Petits détails, nous ne dormirons pas dans une cabane mais sous tente au plateau des tourbières et nous devons trouver une source pour refaire le plein d’eau. Nous chaussons nos raquettes pour rechercher l’eau et le site de bivouac. 

Apres un montage de tente difficile dans le brouillard et la pénombre, un sachet lyophylisé de pâtes aux champignons dans le ventre, la ‘’nuit’’ démarre avec les averses et les entrées d’eau dans la tente ! Magnifique. 

Le lendemain commence donc par un bilan de la nuit : vent, humidité dans le duvet, skuas qui démontent les sardines de la tente au petit matin, bref pas la grande fraicheur espérée. 

Nous partons sur le plateau prospecter pour que je puisse réaliser la cartographie des habitats naturels de cette immense tourbière. Cette accumulation de mousse est de sphinges est possible par l’abondance des pluies et la stagnation de l’eau dans le sol. En effet ce plateau c’est formé par le remplissage des éruptions ayant entrainé la formation du point culminant, la Dive. La lave a rempli l’immense cratère originale, créant un plateau. Les éruptions volcaniques devaient être bien énervées sur ce petit point au milieu de l’océan.

Apres une journée de prospection, de remplissage de gourdes, on décide de monter les 3 demoiselles, un ensemble de 3 blocs de roches dominant Entrecasteaux au dessus de falaises vertigineuses. La vue est magnifique pour ces dernières lueurs au dessus de l’océan Indien.

Le lendemain pliage de tente et c’est reparti par l’autre coté de l’ile, le temps de particulièrement difficile, pluie, brouillard, vent très fort. Le retour sur base avec des pieds humides pendant 3 j fut compliqué mais sans blessures.

Que de bons souvenirs, de paysages incroyables avec des angles rares.